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CHARLOT S’AMUSE

cou dès qu’il entrait, tous deux sentant leur monstrueuse joie redoubler à l’idée d’une surprise possible et du danger qu’ils couraient. Ils frissonnaient, le gamin se pelotonnant plus fort contre le frère, lorsque les vieux meubles craquaient dans le silence, ou lorsque, du dortoir, ils entendaient monter les ronflements sonores de Sulpice. Parfois, un des ignorantins rêvait tout haut, et c’était chez l’homme et chez l’enfant une terreur profonde qui bientôt s’enfuyait, mettant dans leurs caresses renaissantes un délicieux apeurement et une lenteur exquise, bien plus douce. L’heure s’écoulait. Dans une torpeur, ils s’oubliaient tous deux, se perdant dans d’affectueuses causeries à voix basse, lorsque l’enfant épuisé repoussait mollement la main du frère. Ils écoutaient alors, bercés par la chanson du vent, la pluie battre les carreaux, ou bien, par les beaux soirs, ils s’accoudaient à la croisée, regardant le jardin de l’hôpital, aspirant l’air embaumé qui montait des massifs, et tressaillant chaque fois que de la gare voisine des coups de sifflet de locomotives s’élevaient, mêlant leurs modulations avec un hululement mélancolique dans le silence de la nuit.

Leur intimité se faisait peu à peu plus profonde, mais à son ignoble caractère, dont ils