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CHARLOT S’AMUSE

sa nudité étalée aux yeux de son maître et polluée par ses attouchements. Vaguement navré, impuissant à se rendre compte de la perversion génésique à laquelle avait cédé le cher frère, il se débattait contre une envahissante anxiété. Il avait déjà vu quelque part ces yeux hébétés, n’ayant de vivant que leur pupille agitée dans une dilatation spasmodique. Où ? Tout à coup, il se souvint. Lorsque le chauffeur à bout de forces s’abattait sur l’oreiller, à côté de sa mère, il avait ces yeux-là. Et dans l’affre d’un pressentiment cruel et confus, l’enfant sentit son cœur se dégonfler plus fort et ses larmes couler plus amères.

Bientôt après, on l’appela pour aller à la promenade. Il se rappela les paroles de son bourreau et, pour qu’on ne vît pas ses yeux rouges, il courut se laver à la fontaine. Puis, il suivit les hommes noirs, la tête basse. Ceux-ci le plaisantaient sur sa mine revêche, riant, avec un air béat et confit, leur rire jaune et étriqué de gens d’église.

On alla ce soir-là aux Buttes-Chaumont, en remontant le faubourg Saint-Martin jusqu’au carrefour de la Villette. Le gamin traînait la jambe suivant les bons frères, titubant sans songer derrière les soutanes roussies, et n’ayant plus que la puérile préoccupation d’éviter par