la vie d’un homme. Et « la vie d’un homme ne s’enferme point dans le cadre d’une forme littéraire ». La couleur de couverture peut tromper les ignorants. Mais qu’il évoque la vie de Beethoven, de Michel-Ange, ou qu’il raconte la vie de Jean-Christophe, R. Rolland est et demeure historien. Il est le savant qui travaille d’après des données précises et exactes ; il est le critique attentif qui note avec lenteur, — certains diront avec une gaucherie de traducteur, — mais toujours avec une loyale et impeccable sincérité, détails intimes, événements minuscules, faits divers sans importance apparente, tout ce qui rapproché, entassé, combiné, doit servir à l’évocation parfaite de son personnage ; il s’interpose entre eux et lui ; il ne crée pas, il recrée.
Je n’en veux d’autre preuve que ces quelques lignes que j’extrais d’une lettre, datée de 1909. « Pour dire la vérité sur la façon dont je travaille, mon état d’esprit est toujours celui d’un musicien, non d’un peintre. Je conçois d’abord comme une nébuleuse l’impression musicale de l’ensemble de l’œuvre, puis les motifs principaux et surtout le ou les rythmes, non pas tant de la phrase isolée que de la suite des volumes dans l’ensemble, des chapitres dans le volume et des alinéas dans le chapitre. Je me rends très bien compte que c’est là une loi instinctive ; elle commande tout ce que j’écris. »
La vie universitaire va reprendre R. Rolland, l’absorber peut-être, au point qu’il ne pourra plus achever l’œuvre qu’il porte en lui, — et qu’il devra dire adieu à ses rêves les plus chers... Non ! Il n’est pas besoin d’avoir des loisirs et des journées libres pour écrire. Au contraire ! La gêne du métier quotidien sera l’aiguillon. Il se débattra, il luttera, mais il vaincra : ce sera la récompense. Il a beaucoup écrit déjà, mais il n’a encore publié qu’un petit article d’érudition historique : Le dernier