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essentiels leur exacte lumière et leur juste et précise valeur. L’histoire — et à plus forte raison une biographie — exige un certain recul, et un certain silence : les bruits de la rue empêchent d’entendre, de même que la lumière trop vive, en fatiguant le regard, empêche de voir.


L’œuvre de R. Rolland n’est pas finie ; elle se poursuit, elle se continue, elle évolue. En elle tout est mouvement, jusqu’au jour où la mort l’arrêtera, et laissera sur quelque page inachevée la phrase en suspens et le chapitre interrompu. Alors seulement, un jugement pourra être porté, et encore faudra-t-il ne jamais fixer la pensée de l’auteur — ou de ses héros — au hasard de ses étapes, — mais la prendre dans sa lente évolution, en notant[1] « la direction et la marche, le rythme et la route ». La vie d’un homme est semblable à une route : elle va, selon le terrain, l’heure ou la saison, tour à tour ensoleillée ou sombre, rapide et joyeuse à la descente, ou lente et pénible et comme essoufflée à la montée, ou chantante et rêveuse, cheminant par la plaine ; ici, elle est bordée d’aubépines et, là, elle s’amuse en circuits, enlacée comme un ruban, aux flancs des coteaux ; ailleurs, elle est si poussiéreuse que les nuages soulevés par les pas empêchent de voir l’horizon et, plus loin, elle semble rebelle, tant les pavés qui la recouvrent sont inégaux et cahotants. N’importe ! il faut la parcourir toute, il faut la voir de son point de départ à son point d’arrivée,

  1. Note de R. Rolland, datée de novembre 1916, citée par P.-J. Jouve (op. cit. Bibliographie n’175), p. 169.