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CHANTS ET CHANSONS

Chez c’potentat tout était louche ;
Et la moral’ de c’boniment,
C’est qu’étant porté sur sa bouche
Il devait finir par… Sédan.

V’là le Sir’ de Fisch-ton-kan, etc.


Cette triviale bouffonnerie, disant burlesquement la vérité, doit trouver grâce devant les patriotes lettrés qui pourraient la mépriser, car ce fut sur sa musique, arrangée en pas redoublé, que nos troupes, soldats, gardes mobiles et nationaux, partirent, le 19 janvier 1871, à l’assaut de Montretout.

En prodiguant leur courage et leur sang pendant plusieurs heures, ils purent espérer, un moment, une victoire vaillamment méritée par des efforts dignes d’un meilleur résultat final. Mais, la fatalité — d’autres ont dit : l’incurie des dirigeants — qui plana sur cette époque terrible, empêchant l’artillerie de se mouvoir dans des terres détrempées par la pluie et les renforts réclamés d’arriver à temps, ne leur permit pas d’amener à bien la vaillance déployée. Ils durent — selon l’éternelle formule de ces temps néfastes — se replier en bon ordre, laissant aux Allemands des centaines de prisonniers et, sur le lieu du combat, autant de morts.

Et, pendant longtemps, un grand nombre de Parisiens, de ceux qui avaient vu partir ces braves, dont beaucoup ne devaient pas revenir, au son de cette musique commune, mais entraînante, éprouvaient, en la réentendant plus tard, un réel sentiment de tristesse.

Bien d’autres chansons de ce temps eurent une vogue momentanée, mais ne reçurent pas cette héroïque consécration.

Parmi elles, on peut citer le Caporal Francœur, qui fit le tour de tous les camps, chanté sous toutes les tentes abritant les moblots, les trente-sous (nom donné aux gardes nationaux, auxquels le gouvernement allouait un franc cinquante par jour, afin que l’on ne mourût pas de faim chez eux pendant qu’ils faisaient leur service), et aussi ces pauvres enfants de la Bretagne venus se battre pour ce pays — le