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Ricknaer, taciturne, rabougri, haut comme une borne, est l’ombre de son beau-frère. Il est cuiseur de nuit. À six heures du soir, il occupe son poste. Portant sa gourde en peau de bouc autour du cou, et sous ses bras trois bouteilles d’eau, il monte au sommet du four, sur la voûte percée de bouches dans lesquelles il précipite le charbon. À dix heures, il boit son litre d’eau, d’un seul trait. À minuit, il avale une goutte de genièvre, à trois heures, puis à six heures, les deux autres bouteilles. Il est le veilleur qui entretient le feu gigantesque. Les briques cuisent doucement au-dessous de l’homme assis, les coudes sur les genoux, la tête dans les mains.

Les heures vibrent dans la nuit.

Neuf heures ! Aux carreaux des bicoques disparaît la lueur chancelante des bougies et le sommeil des serviteurs gagne l’usine. Accroupi, le cuiseur voit les ombres qui traversent l’enclos, un chat qui glisse l’échine sous la barrière et, fléchissant les pattes, s’engouffre dans le four. Paris renvoie jusque-là ses lumières sans rayon-