chette en attendant le repas du soir, et il lui arrive de ne se réveiller que le matin, lorsque le chef lui donne une tape sur la fesse. Il mange alors le dîner de la veille, boit la goutte, plonge la tête dans la cuve et brouette comme un ancien.
Dans un brouillard se perd le souvenir de Voisin, de la concierge, de la rue Le Bua, de la vie antérieure du briquetier. Papa surgit quelquefois, au milieu de fantômes, mais Didier n’a guère le temps de retenir une pensée. Elles volètent dans sa mémoire et se sauvent à tire d’ailes, chassées par l’effort musculaire qui absorbe toutes les forces, y compris celle du cerveau. Didier besogne comme un chien qui tourne une meule, un cheval qui meut un manège. Didier pousse la brouette et son jeu mécanique ne lui inspire bientôt plus que les idées qui naissent du métier : l’évaluation d’un poids, le nombre de briques, la facilité pour le roulage d’un chemin sec ou détrempé.
Les heures se comptent aux chiffres des voyages, aux impressions physiques et aux souffran-