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donc ce renvoi ne compte pas… Oui… mais. Mais Didier est un feignant, un crève-la-faim qui bouffe le pain des autres. Papa a dit tout cela, et si papa le dit lorsqu’il a un verre dans le nez, c’est qu’il le pense quand il est à jeun. Il est vrai que maman, le pompier, ne sont pas de son avis, bien sûr. Mais tout de même !

Didier mord dans un quignon rassis que lui a vendu la boulangère. Il est arrivé place Gambetta devant les lanternes rouges qui éclairent la station du Métropolitain. Elle ressemble à une grande bouche, comme en ouvrent les monstres des fêtes foraines ; des gens en sortent, pressés et Didier reconnaît, en sentinelles sur les marches, quelques condisciples de l’école Bretonneau. Ils quémandent aux bonnes gens leurs vieux billets ; ils portent des souliers sans bas qui laissent sortir des orteils noirs, et leurs genoux sont crasseux. En présence de ces misérables, Didier a honte : il s’imagine que tout le monde, y compris ces sales gosses, sait qu’il a été chassé par M. Voisin.