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le soleil, qui en obstruent les rayons, en retiennent la chaleur, qui narguent les orages, arrêtent les torrents en courroux, les arbres si vieux qui se reproduisent incessamment, les factionnaires géants d’une cité qui renferme tant de créatures, le régiment des arbres inspire aux hommes un inconscient effroi. Et le sentiment qu’éprouvait l’ancêtre préhistorique devant la forêt, refuge des animaux dangereux, emplie de leurs clameurs, palpitant de leur vie ; ce sentiment réduit au millionième, dans des cœurs et des cerveaux modifiés par dix mille ans ; cette curiosité et cette angoisse, ils la ressentent en fugitifs de la ville : Francine et Didier se taisent dans la forêt sanctuaire.

Ils se taisent surtout parce qu’ils ont trop ri le long du chemin, parce qu’ils sont las et qu’ils ne veulent plus penser, qu’ils éprouvent une volupté à laisser dormir en eux tout ce qui est volonté, intelligence, pouvoir directeur de la personne. Ils se sont assis, ils ne bougent plus, ils ferment les yeux. Le cerveau, ce gendarme qui