J’aiguise sans chagrin quelques traits de satyre,
J’aime la verité, mais en homme d’honneur,
Je ne sçai point trahir la raison, ni mon cœur ;
À tous les vicieux, je ne veux jamais plaire,
Et j’en dirai du mal s’ils ne cessent d’en faire.
Est-ce une nouveauté de parler hardiment,
Et de faire valoir un juste sentiment ?
Mais dans la liberté que ma muse se donne,
Elle attaque le vice, et non pas la personne.
Il est vrai que le siecle est malin sur ce point,
On n’épargne que ceux que l’on ne connoît point,
Médire est le seul but que chacun se propose,
Qui ne le fait en vers, le fait souvent en prose,
Le cœur nourrit toûjours cét injuste desir,
Et qui ne parle point écoute avec plaisir.
La raison dit en vain pour imposer silence,
Que l’homme doit pour l’homme avoir de l’in-dulgence,
Personne par malheur ne la croid aujourd’hui,
On n’en grossit pas moins les foiblesses d’autrui,
Sur l’amour du prochain, l’amour propre l’emporte,
Ou la haine, ou l’envie est toûjours la plus forte,
Et que ce soit enfin mensonge, ou verité,
L’homme par l’homme méme est toûjours mal-traité.
Voulez-vous que le peuple achepte vos ouvrages,
Choquez des gens d’honneur presqu’à toutes les pages,
Quoique tout en soit foible, et soit dit sottement,
Vous passerez d’abord pour un esprit charmant.
Ce livre court la ville, et chacun le veut lire,
Pourquoi non ? Son autheur ne songe qu’à médire,
Il remplit tous ses vers de bizarres transports,
Il blâme insolemment les vivans et les morts ;
Cet esprit toûjours vain, gâté par ses caprices,
Se fait une vertu du plus lâche des vices ;
Il s’admire, il se flate, il se croid sans defauts ;
Son livre n’a pourtant qu’un tas de brillans faux,
Il confond sans sujet, sans esprit, et sans grace
Le fiel de Juvenal avec le sel d’Horace ;
Des fautes qu’on y trouve à l’examiner bien,
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