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Dont plusieurs par Phebus estimez, et loüez,
Jadis par Lutrigot avoient esté joüez.
Tout ce que de sçavant se trouve sur Parnasse,
Y vient pour écouter, et chacun prend sa place.
Mais Pegaze conduit par une deité,
Fend sans cesse les airs d’un vol precipité,
Et ne songe qu’à voir sa croupe soulagée
De l’importun fardeau dont on l’avoit chargée.
Lutrigot ébloüi, muet, et chancelant,
Craint toûjours qu’il ne ruë, ou ne bronche en volant.
Dans ce vague chemin, ce cavalier timide,
Se croit dans le danger, et se tient à son guide.
Ainsi par un beau temps le voïageur nouveau,
Voïant branler la nef qui le porte sur l’eau,
Se prend au mât prochain, ne sçait ce qu’il doit faire,
Et redoute un peril qui n’est qu’imaginaire.
Mais à la fin Pegaze aussi ferme que prompt
Porte, et laisse sa charge au haut du double mont.

Terpsicore s’arrête, et tâche enfin d’instruire
Le docte et grand autheur qu’elle daigne conduire.
Ne trouve point étrange, et ne sois point surpris,
Lui dit-elle en riant, de voir de beaux esprits,
Tu trouveras ici les muses déguisées ;
Mais à te faire honneur elles sont disposées,
Tout jusques à Phebus s’humanise aujourd’hui,
Allons, et souviens-toi de t’adresser à lui.
Dans le palais du dieu le Parnasse s’assemble.
La muse et Lutrigot y vont d’abord ensemble,
Ils entrent dans la sale, et nôtre vain autheur
Va s’asseoir vis-à-vis du divin directeur.
Chacun regarde alors sa fiere contenance,
On cesse de parler, et Lutrigot commence.
Grand Apollon, dit-il, je reçois un honneur
Qui fera desormais ma gloire, et mon bon-heur.
Je dois être sensible à cette grace insigne ;
Il est vrai qu’aujourd’hui je n’en suis pas indigne.
Qu’on ne m’accuse point que par des vers malins
J’ai cent fois plus médit que les autheurs latins,
On sçait