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Que tout jusqu’aux autheurs, se déguise, et se pare.
Le dessein du dieu plait, et chacun s’y prepare.
Il étoit encor jour ; mais à peine la nuit
A chassé de Paris la lumiere, et le bruit,
Que Terpsicore prête à faire un prompt voïage,
Descend de l’Helicon, et sans nul équipage,
Pour se rendre bien-tôt chez l’autheur du lutrin,
Va monter sur Pegaze, et se met en chemin.

Cette muse le trouve apliqué sur son livre.
Lutrigot, lui dit-elle, il est temps de me suivre,
Ramasse tes escrits, sors, et viens de ce pas
Recevoir un honneur que tu n’attendois pas,
Viens, Apollon te mande, et t’attend au Parnasse.
Lutrigot dans son cœur sent une noble audace,
Regarde avec transport cet excés de bonté,
Prend tous ses vers, et suit cette divinité.
La muse pour se joindre à la celeste troupe
Remonte sur Pegaze, et met l’autheur en croupe.
Cependant les neuf sœurs dans le sacré valon
Attendoient Lutrigot au palais d’Apollon.
Dans une sale et vaste, et richement meublée,
Estoit avec plaisir la sçavante assemblée,
Et pour mieux se masquer, les muses avoient pris
Les habits negligez de plusieurs beaux esprits.
Dans leurs noirs vestemens la modestie éclate.
L’une porte un rabat, et l’autre une cravate,
L’une est en just-au-corps, cét autre est en manteau,
Plusieurs ont la sotane, et toutes le chapeau ;
Mais plus d’une perruque et noire, et mal peignée,
De linge assez mal propre étoit accompagnée.
Apollon deguisé placé dans un fautueil,
Faisoit à tout venant un obligeant accueil,
En petit collet méme il paroissoit aimable,
Il étoit au haut bout d’une fort longue table,
Et les sçavantes sœurs, sous son autorité,
Occupoient sur deux bancs l’un et l’autre côté.

Sur d’autres bancs aussi d’une longueur égale
Se mettoient les autheurs qui venoient dans la sale,