Page:Bonnecorse - Lutrigot, 1686.djvu/17

Cette page n’a pas encore été corrigée

Aussi beau que celui qu’a décrit Lutrigot.
Muses racontez-moi les grands exploits qu’ils firent,
Leurs charmans entretiens, tous les bons mots qu’ils dirent,
Combien par ces heros à médire obstinez,
Furent de gens d’honneur hautement condamnez.
Oüi ce triumvirat la terreur du Parnasse,
À peine au dieu des vers voulut-il faire grace.
Que de piquants propos contre les beaux esprits,
Que d’autheurs degradez, que de livres proscrits.
Tels dans Rome autrefois Lepide, Antoine, Auguste,
Usurpoient un pouvoir aussi cruel qu’injuste,
Et proscrivant quiconque osoit leur resister,
Par leurs sanglans edits se faisoient detester.
Tels furent nos heros en leur humeur chagrine ;
Mais dans leurs vains discours Lutrigot, et Garrine,
Aprés avoir blâmé les plus honnétes gens,
L’un pour l’autre à l’envi prodiguoient leurs encens.

Les vers de Lutrigot n’étoient que des merveilles,
Garrine étoit divin, et valoit cent Corneilles,
Tous les coups d’encensoir étoient des plus hardis,
Et de tant de fumée ils furent étourdis.
Lutrigot toutefois leur impose silence,
Et pour les consulter leur demande audiance.
Chacun dés ce moment dans un grand serieux,
Montre pour ce qu’il dit un desir curieux,
Et Lutrigot poussé par l’ardeur qui l’emporte
Dés qu’on a deservi parle de cette sorte.
Fideles compagnons de mes plus chers plaisirs,
Qui connoissez mon ame, et ses nobles desirs,
Je veux vous faire part de mon bon-heur extrême,
Et vous dire en secret que je plais, et qu’on m’aime,
Non d’un amour prophane, et rempli de souci,
Si je deplais au sexe il me deplait aussi,
Mais d’un amour qui nait au cœur d’une deesse.
Pour mon interêt seul elle agit, elle presse,
Et c’est à Terpsicore à qui je dois ces soins.
Hier au soir mon esprit ne songeoit à rien moins