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Semble vouloir choquer et l’art, et la nature,
Et qui paroît de loin plus haute qu’une tour,
Est du grand Lutrigot l’ordinaire sejour.
Terpsicore s’y rend de mille attraits pourvûë,
Et dans un cabinet entre sans être vûë.
Elle jette d’abord les yeux de tous costez,
Elle en voit à loisir jusqu’aux moindres beautez,
Elle examine ici ces charmantes peintures,
Où Lutrigot paroît sous diverses figures.
Dans l’une cent heros l’admirent tour à tour,
Ici tous les autheurs vont lui faire la cour,
Et dans un autre endroit, on le voit qu’il se plasse
Au dessus d’Apollon en maistre du Parnasse.
C’est ainsi que l’on voit en tableaux differents,
Dom Quichotte la fleur des chevaliers errants,
Qui par une vaillance en visions feconde,
Arrête les passans, et fait rire le monde.

Cependant Lutrigot assis aux bons enfans
Est au bout d’une table, et profite du temps.
Là sans crainte d’y voir ses delices troublées,
Il porte aux conviez des santez redoublées,
Et voïant que le jour a fait place à la nuit,
Il compte, il paye, et part sans lumiere et sans bruit.
Mais comment exprimer quelle fut sa surprise
Quand dans son cabinet il voit la muse assise,
Il la prend pour Nanon, et toûjours dans l’erreur
Il lui dit galamment d’où me vient ce bon-heur ?
M’aportez-vous ma montre, ou bien que dois-je croire ?
Je suis ici, dit-elle, et c’est pour vôtre gloire,
Si vous l’aimez encor cessez de vous flater ;
Par de nobles travaux vous devez l’augmenter.

C’est la ternir enfin quand dans une satire
Vôtre plume s’emporte, et ne fait que médire.
On deteste par tout vos plus sçavans escrits,
Vous donnez de l’horreur à tous les beaux esprits.
Pour mieux vous établir que voulez-vous attendre ?
Déja vos partisans n’osent plus vous défendre ;
Malgré tous les efforts de vôtre vanité