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70 LES ROYAUMES DES NEIGES

J’aurai l’occasion d’exposer ici même la politique poursuivie par le gouvernement de Pékin vis-à-vis de Lha-sa, qui a abouti à l’entrée des troupes chinoises dans cette capitale où six années auparavant avait campé l’expédition anglo-indienne du colonel Younghusband : en si peu de temps l’hégémonie que l’Inde avait cru s’assurer au Tibet se trouve repassée aux mains de la Chine, et la quasi-annexion que l’Angleterre annonce aujourd’hui sur le Bhoutan, le dernier état qui au Sud de l’Himalaya pouvait encore librement se réclamer de Lha-sa ou de Pékin, apparaît comme une réponse à la mainmise que les soldats de Tchao-eurl-fong viennent d’opérer sur le Tibet lui-même.

C’est à l’année 1772 que remontent les premières relations entre l’Angleterre établie aux Indes et le Bhoutan : il a donc fallu exactement cent trente-huit ans pour que la première arrivât à « contrôler » le second ; certaines conditions géographiques et ethnographiques ont joué pour amener ce résultat, mais il n’en reste pas moins — l’exposé qui suit le montrera — qu’il y eut là l’effet heureux d’une politique, sinon toujours habile, au moins tenace et suivie qui, après avoir inutilement essayé de la force, a fini par triompher par le jeu seul de la diplomatie. Si notre pays n’a jusqu’ici aucun intérêt au Bhoutan, peut-être retirerait-il cependant quelque bénéfice à étudier ces procédés de longue attente et de sûr résultat, appliqués par un grand état colonial à un petit peuple voisin.

Nulle terre d’Asie n’est encore aujourd’hui moins connue que le Bhoutan : du merveilleux belvédère de Darjiling tourné vers la grande chaîne hima-