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68 LES ROYAUMES DES NEIGES

bottes de soie brochée aux semelles de feutre et son bonnet brodé, représente un état voisin et à cette date encore indépendant, le Bhoutan, en qualité de penlop ou gouverneur de Tongsa, l’une des grandes places du pays ; à sa gauche, le maharadja du Sikhim, portant la grande robe de soie bleue et le bonnet de fourrure avec plume et globule des mandarins chinois, détourne la tête pour cacher le bec-de-lièvre qui lui déforme la face, tandis qu’à son côté trône la maharani, son épouse, étrange petite idole non sans beauté avec ses colliers de perles, de coraux et de turquoises qui lui font une auréole autour de la tête avant de retomber, en rangs pressés, jusqu’à ses pieds.

Derrière eux, auprès d’un médecin de l’armée des Indes et d’un brillant capitaine de highlanders, sont rangés des nobles bhoutanais et sikhimites, aux costumes mi-tibétains, mi-chinois, aussi pittoresques que leurs noms mêmes, — Raï Ugyen Dordjre Bahadour, Raï Lobzang Chosdjen Sahib, Jeroung Diwan, Bourmiak Kazi, — encadrés par des soldats de l’une et l’autre principautés, portant la courte tunique de soie qui laisse à découvert les jambes et les pieds nus et sur la tête l’armet de fer enroulé d’un turban ou le bonnet de feutre à plume de faisan.

Raidis ou détendus devant l’objectif, ces personnages de races si diverses ne semblent groupés là que par le protocole d’une réception officielle ; mais un lien subtil — visible pour celui qui sait — les relie les uns autres comme acteurs d’un même jeu, — au sens anglais du mot play, — qui, par l’intermédiaire du haut et discret gentleman, aux uns retira le pouvoir suprême, aux autres le donna. Ainsi dans le conte de Kipling, l’Angkus du roi, le croc qui sert à