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Canadiennes d’hier

mariages et sépultures de gens que vous ne connaissez pas. À part l’ordinaire, il ne se passe rien. Il n’y a pas eu d’événement sensationnel depuis votre visite.

Le temps a été mauvais toute la semaine. Il faut qu’il pleuve pour fondre la neige, il y en a encore gros dans les bois. Nos sucriers ne pourront pas entailler les érables avant Pâques. C’est aussi bien ; ils vont pouvoir assister aux offices de la semaine sainte et j’aurai mes artistes pour nous ressusciter en musique et chanter un joyeux Alleluia.

J’espère que madame Tessier sera sur pied, revenue de la guerre pour la circonstance, et que le soleil sera de la partie. Lui absent, les choses ne seront que ce qu’elles sont et elles ne sont pas gaies. Vous voyez que, moi aussi, j’ai profité de votre « Chanteclerc » ; voilà ce que c’est que de se frotter aux personnes instruites !

Gros’maman vient de se réveiller et me crie de vous dire qu’elle compte sur vous pour la distraire pendant qu’elle est en pénitence. Elle vous supplie de ne pas la faire languir, de ne pas faire la mystérieuse pour vous rendre intéressante ; puis, elle vous embrasse pour vos vingt-trois ans et vous souhaite de vous marier dans le courant de l’année. Comme vous voyez, l’âge et les infirmités ne lui ont pas fait perdre ses illusions : elle croit encore qu’il suffit de se marier pour être heureux.

Toute la maisonnée se joint à moi, chère mademoiselle Sylvie, pour vous souhaiter un saint et joyeux jour de Pâques.

Régina Dumas
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