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Canadiennes d’hier

Il aurait un beau choix rien que dans cette famille Bellanger, notre Jean, s’il voulait regarder pardessus les clôtures. La cadette est mariée de l’année dernière, mais il en reste encore cinq : des brunes et des blondes, toutes fraîches, jolies même, allantes, bien jambées, et qui n’ont pas froid aux yeux ! Êtes-vous rassurée maintenant ?

Je cède la plume à Régina qui vous expliquera pourquoi elle doit me remplacer.

Chère mademoiselle Sylvie, je sais bien que vous allez perdre au change, mais il faut absolument que notre gros’maman obéisse à son médecin qui lui prescrit un repos absolu pendant une dizaine de jours. Pour que ses jambes désenflent, il est indispensable qu’elle fasse de la chaise longue. Il a fallu parlementer pour la faire consentir à rester tranquille complètement. Je la remplace assez souvent pour ses lettres d’affaires ; c’est la première fois qu’elle me demande d’écrire à une de ses amies. Je monte en grade et j’en suis tout intimidée.

Elle vient de s’endormir sur son « lit de torture morale » comme elle nomme sa chaise longue. J’ai transporté mon écritoire sur la table de la cuisine pour me mettre hors de sa portée immédiate et ne pas être obligée de lui lire, si elle se réveillait, tout ce que je vous écris. Vous le savez, notre bonne grosse est, en tout temps, très impressionnable ; mais, tous les ans, vers ce temps-ci, elle fait une crise de dépression que nous voyons venir sans qu’il nous soit possible de la détourner. Il faudrait pouvoir l’empêcher de lire les journaux ; elle a peur de la guerre. Il est vrai qu’il ne faut pas être nerveux

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