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Canadiennes d’hier

Toute surprise de ma naïveté, elle a repris avec animation :

« Mais, ça se dit tout seul, chère demoiselle, grand ou non, je l’ai élevé, sa mère est morte il n’avait pas quinze jours, c’est comme s’il était mon enfant… Étant le dernier de la famille, il a gardé en grandissant son petit nom d’amitié… Je peux bien l’aimer, allez ; si vous saviez comme il est attentionné ! La jeune fille qui l’aura sera bien chanceuse, sans vouloir rien dire de trop : un garçon qui est bon pour sa mère est bon pour sa femme. Mais, il n’est pas marieux ; c’est vrai qu’il est encore jeune, il vient d’avoir vingt-deux ans, il a le temps de changer d’idée ».

— « Ma tante, je t’en prie, change de propos », implora notre Jean et, pour prévenir toute récidive, il se leva en disant :

« Mlle Carrière a eu le temps de se chauffer ; j’attelle le vieux cheval, puisqu’il le faut, et je la reconduis chez Mme Tessier. Je suis invité à souper ; soyez pas inquiets, à neuf heures je serai de retour ».

Tante Louise ne pouvait pas me laisser partir sans me montrer son salon. Elle ouvrit la porte toute grande pour m’en faire admirer les dimensions et les beaux meubles de noyer sculpté, capitonnés de crin noir, qui viennent de leur oncle le curé. Il était là, l’oncle — en peinture — dans le trumeau, le bréviaire à la main, son double menton étalé sur le rabat noir liseré de blanc.

Petit entrait prendre son paletot. La voiture

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