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Canadiennes d’hier

Ne pensez pas, chère madame, que je vais vous mettre au courant de ma longue carrière en une seule fois. Vous verrez la suite au prochain numéro et j’espère que l’intérêt ira grandissant.

D’ailleurs, je ne dois pas me livrer toute sans rien exiger en retour. C’est entendu, n’est-ce pas, que je suis la discrétion même. Votre joli secret tout parfumé de jeunesse et d’innocence, il est en sûreté ; mais vous ne m’avez pas défendu de lire à papa quelques passages de votre lettre, c’est ce que j’ai fait après l’avoir parcourue une première fois. L’ingrat ne l’est pas autant que vous le croyez : il se souvient, chère madame. Si vous aviez vu le beau sourire rajeuni qu’il avait en écoutant ma lecture, peut-être y aurait-il eu place dans votre cœur — au moins pendant quelques instants — pour tout autre chose qu’un sentiment de tout repos. C’est la première fois, depuis mon retour à la maison, qu’un sujet de conversation nous intéresse l’un et l’autre. Il est bien québécois, ce pauvre père, et moi j’étais presque montréalaise avant d’opter définitivement pour St-Jean-Port-Joli. Le soir, quand il rentrait de son bureau, après son petit tour rituel sur la Terrasse, il m’embrassait et s’informait de ma santé ; je m’enquêtais de la sienne ; nous nous mettions à table et mutuellement au courant des incidents de la journée.

— « Tiens, je viens de rencontrer Thomas C. qui se rendait à l’Université ; ou bien : J’ai fait un bout de conduite au juge R., qui sortait de la Basilique »…

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