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Canadiennes d’hier

disait en détachant chaque parole : « Depuis que je suis entrée dans le grand silence, je vois plus clair, j’ai le temps de me recueillir, je comprends mieux. Ce n’est pas sur vos lèvres, mes pauvres enfants, que je lis la vérité, c’est dans vos yeux, par moments, et plus sûrement encore en moi-même. Si je juge de votre affection par la peine que vous prenez pour me faire des menteries, vous devez m’aimer beaucoup. Soyez tranquilles, je ne crains plus rien, pas même le jugement. J’ai confiance en la miséricorde de Dieu. »

Le croirez-vous ? elle qui avait tant eu peur de la guerre quand celle-ci n’était qu’à l’état de menace, était devenue relativement calme et sans inquiétude quant au résultat de la plus terrible de toutes. Elle avait une confiance inébranlable dans la valeur et le patriotisme des Français ainsi qu’en la justice de leur cause.

Dès le commencement, le mot prophétique de Jules Lemaître mourant : « Ce sera une résurrection » lui avait donné un point d’appui. Elle le répétait souvent en ajoutant : Une résurrection ne peut qu’amener la victoire… le bon Dieu n’est pas un Sauvage… et la Sainte Vierge aime particulièrement la France. Elle faisait ces réflexions en lisant les nouvelles, quand, malgré son parti pris d’optimisme, elle ne pouvait se défendre d’être un peu nerveuse et elle combattait ses grosses craintes à coup d’oraisons jaculatoires. Tous les saints Français, canonisés ou non, y passaient. Il fallait rire malgré tout. Elle les priait sur le ton du commandement et s’écriait de sa voix étrange :

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