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Canadiennes d’hier

de bonne heure demain matin pour aller travailler. Faut pas ambitionner sur le pain bénit ! »

Samedi, il faisait une chaleur écrasante, comme rien ne pressait, j’avais quitté ma besogne un peu plus tôt que de coutume. Tout en nage, je m’étais assis sur le seuil du fournil pour m’essorer un peu avant d’aller me baigner et je regardais monter la marée sur le sable de l’Anse-à-Coronet. J’étais là depuis quelques minutes lorsque j’ai vu Pauline traverser le champ à patates en courant et se diriger de mon côté. J’étais loin de me douter de ce qui m’attendait. Tout essoufflée, les deux mains sur son cœur pour en modérer les battements, elle m’aborda en disant : « On est bien ici, il fait un bon petit vent, fais-moi une place. » Sans attendre que je me range, elle s’est faufilée auprès de moi. elle a passé son bras sous le mien, appuyé sa tête à mon épaule et m’a demandé tout bonnement, comme s’il s’agissait d’aller aux framboises ou de faire une promenade en canot :

« Quand est-ce qu’on se marie ? »

Je ne pouvais pas en croire mes oreilles. Je l’ai regardée en face pour voir si elle parlait tout de bon. Elle était couleur de rose, souriante, un peu gênée, pas trop, ses yeux brillaient autrement que de coutume, elle me disait, la voix invitante :

« Réponds, réponds, grand innocent ! »… J’ai répondu :

« Quand tu voudras… »

En nous voyant entrer bras dessus bras dessous, ma tante ne nous a pas donné le temps de lui annoncer la grande nouvelle, elle s’est écriée en joi-

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