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Canadiennes d’hier

quand j’étais à mon ouvrage et se trouvait rarement sur mon chemin ; mais petit à petit j’ai fini par la rencontrer à tout propos. Par exemple, elle venait travailler aux foins dans les champs voisins des nôtres et saisissait tous les prétextes pour venir jaser. Une fois, leurs vaches ont passé dans notre avoine, il a fallu que j’aille avec elle les en faire sortir. Une autre fois, ses petites sœurs l’ont fait exprès pour laisser une barrière ouverte, les veaux ont pris la route et il a fallu qu’elles m’appellent pour courir après. C’était drôle de les voir gambader, mais n’empêche qu’on ne les a rattrapés qu’en arrivant à la Côte-des-Chênes. C’était de la fatigue et une perte de temps… d’autant plus que, pour me remercier, ces demoiselles m’ont emmené chez elles boire un verre de petite bière d’épinette, puis leur mère est survenue et, c’est pas tout-ci, tout-ça, il a fallu que j’accepte de souper avec eux autres ; on m’a donné une demi-heure pour prévenir ma tante et faire un brin de toilette. Pendant ce temps-là, on avait averti toutes les jeunesses du canton, décidé Cajétan à jouer de l’accordéon et, un quart d’heure après le repas, on s’est mis en place pour un « salut de dames » : puis, sans prendre le temps de souffler, on a passé à un « spendy », — c’était « le noir » Bourgeau, nouvellement arrivé des États qui « callait » les danses, — et, de l’une à l’autre, on a continué jusqu’à ce que M. Bellanger se réveille de son premier somme et vienne crier par le trou du tuyau :

« C’est assez, mes jeunesses, il va falloir se lever

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