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Canadiennes d’hier

pas mes droits, je travaillerai pour gagner ma vie et l’on verra si je ne sais rien faire de mes dix doigts.

Mme Rivet vous avait mise en garde, l’été dernier, contre l’égoïsme des Carrière, des Carrière, des Carrière… Vous avez fait la sourde oreille, vous avez préféré écouter la voix magique du passé et celle de votre cœur généreux. Vous en êtes bien mal récompensée, chère gros’maman.

Pardonnez au père son injustice et, à la fille, le trouble qu’elle a jeté dans votre vie paisible. Gardez-moi votre affection, amie unique, j’en ai plus besoin que jamais.

Sylvie

Mme Tessier à Mlle Sylvie Carrière
St-Jean-Port-Joli, 13 août 1913

J’ai toujours été d’opinion, vous le savez, chère Sylvie, que votre père est meilleur juge que moi en ce qui vous concerne, j’en suis de plus en plus persuadée. La forme railleuse de son raisonnement ne change pas la justesse du fond ; seulement, elle le rend encore plus douloureux à votre cœur. Il aurait pu prendre un autre ton, mon ami Jacques, « les gens d’esprit font de ces bêtises ». Cependant, s’il traite cavalièrement vos affaires sentimentales, c’est que, probablement, il ne veut pas paraître les prendre au sérieux ; mais ça ne signifie pas qu’il n’a jamais aimé. Une femme au moins, votre mère, a su gagner son cœur puisqu’il a été si malheureux de sa mort et qu’il est resté fidèle à sa mémoire, du moins en apparence. Ce n’est sûrement pas, non plus, parce qu’il n’a jamais été aimé ! Si vos larmes

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