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Canadiennes d’hier

et ton amour-propre pourraient en souffrir. Quant a ton merle blanc, si tu veux qu’il te recherche, affecte l’indifférence, tiens-le à distance. Si tu voulais m’en croire, tu irais à Valois au lieu de rester à Québec en plein mois de juillet. Tu ferais plaisir à ta sœur, tu retrouverais tes amies de Montréal et les distractions qui ont suffi à ton bonheur à venir jusqu’à présent. Fais la bonne fille, tu ne le regretteras pas.»

Qu’est-ce que vous pensez de ça, gros’maman ? On dirait que papa n’a jamais été jeune, qu’il n’a jamais aimé ! Quelle panacée que les courses de Blue Bonnets et les régates de Ste-Anne de Bellevue pour un cœur malade !

Comment aussi mon pauvre Jean oserait-il me demander en mariage si j’ai l’air de le fuir, s’il ne trouve jamais l’occasion de causer avec moi ? Pendant que je suis ici à grelotter d’angoisse par cette température d’étuve, l’odieuse Pauline tourne autour de lui dans la liberté des champs embaumés de foin coupé, de menthe, de trèfle rouge. Légère et court vêtue, elle se fait guêpe et sauterelle ; elle le frôle, le pique, le harcèle, osant chaque jour davantage. Je vois ça d’ici… et l’on voudrait que le pauvre garçon se dise, le soir, après sa journée de travail lourde de chaleur et d’agaceries : « Il y a là-bas, sur les remparts de la vieille cité de Champlain, une jeune fille froide et réservée dont les actions et les aspirations mêmes sont rigoureusement asservies au code des convenances. Nonobstant, j’ai tout lieu de croire quelle daignerait peut-être abaisser ses regards sur moi si elle n’était pas

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