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Canadiennes d’hier

heures, j’ai trouvé Hélène en train de déjeuner avec papa. Elle est venue par le bateau de Montréal passer la journée avec nous. J’ai vu tout de suite qu’elle était déjà au courant de mes affaires de cœur et toute disposée à ne pas les prendre au sérieux. J’ai rabattu un voile de glace sur mon visage et le sujet n’a pas été abordé directement.

Elle m’invite, comme chaque année, d’aller à Valois passer les mois d’été avec la famille. Je l’ai remerciée et informée que papa aura ses vacances en juillet cette année et que nous irons ensemble à St-Jean-Port-Joli. Elle s’est écriée :

« Tu me surprends, il vient de me dire qu’il ne pourra pas quitter son bureau avant le 15 août, son ministre est absent et ne sera pas revenu avant cette date. »

— Alors, je resterai aussi à Québec, ai-je répondu. Le beau Jacques est demeuré muet, absent… Il a repris intérêt à la conversation quand Hélène lui a annoncé son départ pour l’Europe avec Gustave et les enfants, dans les premiers jours de septembre. Ils comptent voyager dans la région de Bordeaux pendant les vendanges, longer la Côte d’Argent et se rendre jusqu’à Burgos, en Espagne. Bon voyage !

Voilà la situation, elle n’est pas rassurante. Je n’oserai plus parler de mes projets. Papa a manifestement changé d’idée ; il a renoncé à revoir son pays natal et n’a plus envie de racheter la maison paternelle. Le fin fond de l’affaire, gros’maman, c’est que ce petit-fils de cultivateur ne veut pas avoir un habitant pour gendre, fût-il le mieux doué des jeunes gens du pays. Il renie ses origines

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