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Canadiennes d’hier

roisse. C’est Mme Tessier qui protège les amours. Elle a fait venir c’te demoiselle Carrière à Noël, soi-disant pour lui faire entendre une messe de minuit comme il ne s’en chante pas dans les villes. Petit l’a emmenée chez son père, on a cru que c’était par accident, — il me semble qu’on t’a écrit tout ça, dans le temps, — ben, ma fille, c’était tout arrangé d’avance et ça continue comme de plus belle. La demoiselle va venir avec son père passer les vacances à l’hôtel — au « Castel de la falaise » s.v.p. — Si tu voyais Jean, ma chère, il porte pas à bas. Il a toujours coutume d’être bien mis, Mlle Louise est si orgueilleuse de lui, mais ce printemps ! c’est bien simple, il a l’air anglais : raide comme une barre dans son complet bleu marine, avec chemise rayée bleu pâle, cravate à pois blancs, petit feutre gris, souliers jaunes. Il met ça le dimanche, tu comprends ; sur semaine, il est comme de coutume en chemise de flanelle rouge, culotte d’étoffe du pays et bottes sauvages. Pour labourer et creuser des fossés, il peut pas faire autrement, mais « monsieur » ne se crache plus dans les mains et il endure des gants pour travailler quand il fait chaud, c’est ressuant en pépère : faut souffrir pour être beau !

Mam’zelle Louise a été malade depuis son ménage de printemps. Elle est un peu mieux, mais le docteur veut pas qu’elle se lève. Maman laisse son ouvrage, tous les matins, pour aller aider la bonne femme Cocotte à lui faire sa toilette et brasser son lit de plume. Il paraît que ça va être long à cause de son âge et aussi parce qu’elle s’est ruinée à tra-

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