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Canadiennes d’hier

chien qui garde la maison et ton humble servante qui garde le petit. Je l’ai installé sur le perron, au soleil, avec Pattu, pour regarder passer les bateaux. On en voit justement monter un beau grand à trois cheminées qui a l’air de flotter dans une brume couleur de rose et bleu ciel. Bébé cligne les yeux en suçant son pouce et penche sur le chien qui dort déjà ; il est à la veille d’en faire autant ; j’ai l’œil sur lui tout en écrivant.

Tu as bien de la chance, toi, d’être maîtresse d’école : ta classe finie, plus rien à faire qu’à corriger les devoirs des élèves. Chez les habitants, plus on en fait, plus il en reste à faire. On a donné une bonne escousse depuis un mois, notre grand ménage est presque terminé. Il reste encore la cuisine ; on retarde parce qu’il fait trop froid pour entrer dans le fournil, on a une couvée de petits poulets qu’il faut tenir à la chaleur et on n’a pas fini non plus d’égermer les patates. Le jardinage, c’est pour la semaine prochaine. Notre savon est fait et rendu au grenier ; il y en a deux belles rangées qui vont avoir tout l’été pour sécher, — il nous en reste de l’année dernière. — Notre couture est bien avancée aussi. Je te dis que maman a assez bien habillé les petits garçons ! d’une petite étoffe grise, chinée, tissée à la maison. Moi, je me suis fait faire par Clara Morneau un costume brun, en laine de couleur naturelle que j’ai lavée, cardée, filée, tissée, pressée moi-même et qui ne sent pas en toute le mouton. Les jumelles en ont des bleus. Elles auraient préféré du stoff du magasin, tu comprends, mais sa mère a tenu bon. Elle leur a dit :

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