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Canadiennes d’hier

serais bien surprise si vous retrouviez son « capot » d’écolier dans vos malles du grenier. Tel que je connais mon ami Jacques, il n’a pas dû être lent à s’en débarrasser, ses études terminées. Votre grand’mère l’a probablement donné à un étudiant pauvre. Pas besoin d’endosser les vieilles défroques pour ressusciter le passé, chère enfant ; l’éclair des yeux, même pâli, l’ombre du sourire d’autrefois nous reportent tout de suite au temps de la jeunesse. Votre idée biscornue, — passez-moi l’expression, — nous a bien fait rire, d’autant plus qu’elle cadre avec nos préoccupations actuelles. Alice prétend que je suis trop « antique à la rose », que je devrais rajeunir ma garde-robe d’été pour ne pas paraître ridicule aux élégantes de la ville. Je me défends comme un beau diable. Me voyez-vous en blouse flottante et jupe courte ? les chiens courraient après moi. Je dis ; « celles qui ne me trouveront pas de leur goût n’auront qu’à ne pas me regarder. Je sais bien que ma petite Sylvie n’aura pas honte de sa vieille amie. » J’ai lu à ma mauvaise conseillère le passage d’une de vos lettres où vous louez la sobriété de ma mise ; cela lui a clos le bec, pour le moment du moins. Si je triomphe définitivement de ses atteintes à ma liberté, je n’en serai que mieux disposée à admirer les audaces de votre goût ; elles sont de votre âge. Je suis sûre que votre petite robe vous va à ravir et que vous devez être fière de l’avoir réussie. Quelle petite maman industrieuse vous serez, dans quelques années, avec le cœur et l’habileté que vous avez ! Il me semble vous voir arriver en voiture, le dimanche, avec vos

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