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Canadiennes d’hier

avec mon chapeau trop neuf et mes gants trop jaunes qui faisaient paraître mon pardessus moins propre… D’un autre côté, je vous avais si bien promis d’y aller… quelque chose me disait que je ne le regretterais pas.

— Vous vouliez savoir si la charmante jeune fille que vous avez admirée l’hiver dernier et même tenue dans vos bras, si je ne me trompe, vous paraîtrait la même dans un cadre différent.

— Peut-être bien… elle est encore plus fine que je la croyais. À force de me faire « étriver » par tout un chacun à cause de notre aventure, j’ai pensé à elle continuellement depuis que je la connais. J’étais sous l’impression qu’elle avait appris tout ce qu’on avait dit et qu’elle était fâchée d’être venue en voiture avec moi. Mais non : elle s’est montrée avenante, pas fière… en voyant son beau sourire, j’ai été tout de suite rassuré. Au bout de dix minutes, j’avais oublié ce qu’il y avait de pas ordinaire dans ma situation. C’était bien moi, petit Jean Leclerc, qui étais, en compagnie de cette princesse de contes de fées, en train de boire du thé dans une mignonne tasse de porcelaine. Malheureusement, mes mains en paraissaient d’autant plus rustiques. La fille du roi n’avait pas l’air de s’en apercevoir. En me servant, elle parlait du bon thé chaud de tante Louise, de ses bonnes croquignoles, du charmant accueil de mes parents ; elle m’a dit qu’elle n’oublierait pas de sitôt le bon tour que la pouliche nous a joué. Après ça, M. Carrière est entré, il a été aimable, il s’est mis à parler de St-Jean-Port-Joli, — ça y fait bien d’être de la même paroisse.

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