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Canadiennes d’hier

Vous feriez mieux d’ôter votre pardessus, monsieur. »

Notre Jean s’en défendait, il n’était pas venu pour longtemps. Je m’enhardis à mon tour, j’osai dire… avec élan :

« Je vous garde, je veux vous présenter à mon père ; vous souperez avec nous. »

Cati insistait :

« Bon ! donnez-moi votre chapeau pendant que vous y êtes, j’vas accrocher votre butin dans le passage. »

Lorsqu’elle revint avec le thé, dix minutes après, elle avait repris son attitude de domestique bien stylée. Nous étions assis confortablement dans nos fauteuils, le même reflet rosait nos visages et une agréable causerie était engagée qui ne devait rien à Marivaux. Il circulait dans la pièce un tout petit, tout timide bonheur qui me donnait les plus belles espérances et donnait à notre beau Jean beaucoup plus d’assurance. C’est à un jeune homme en possession de tous ses moyens que papa serra cordialement la main, une demi-heure plus tard. J’ai vu son étonnement admiratif ; il ne s’attendait pas de le trouver aussi bien de sa personne. J’étais heureuse à étouffer. Quelle réaction après l’angoisse de l’après-midi ! Papa s’étant mis tout de suite en frais d’amabilité, j’en ai profité pour aller voir à la cuisine ce qu’il y aurait à manger. Cati, un peu nerveuse, se montra froissée de mon ingérence ; elle me répondit brusquement :

« Seigneur ! vous avez pas coutume de crever de faim. J’ai un soufflé aux légumes, du veau froid,

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