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Canadiennes d’hier

«  Mam’zelle, mam’zelle, il y a un monsieur en bas qui voudrait vous voir. Il dit qu’il est envoyé par Mme Tessier. Je l’ai fait passer au salon. »

Cette fois, je n’avais pas entendu sonner et je faillis m’évanouir de surprise. Cati bougonnait :

« J’me demande pourquoi vous êtes changée comme ça. Êtes-vous malade ? Y vous mangera pas ! Si ça a du bon sens d’être gênée de même ! Pincez-vous un peu les joues… »

Il était là, debout, tremblant de timidité, je lui tendais une main glacée qu’il touchait à peine et il s’asseyait tout au bord du fauteuil que je lui indiquais, les deux genoux sous son chapeau. Moi, je claquais des dents. Je vous prie de croire que la conversation ne fut pas, d’abord, très animée. Je venais de m’informer de votre santé pour la troisième fois et, pour la troisième fois, il me répondait, la voix enrouée : « Elle va très bien, je vous remercie », lorsque Cati fit son entrée avec une brassée de bois, des copeaux, dans un coin relevé de son tablier, un numéro de l’Événement, et se mit en frais de faire du feu dans la grille en disant à part soi :

Qui est-ce qui aurait dit que le temps se couvrirait si vite, y faisait si beau soleil à matin. Une p’tite « attisée » peut pas faire de mal.

Cric ! elle frottait une allumette, crac ! la flamme dévorait le journal, s’élançait haute et claire, et l’audace de Cati montait en même temps. Elle s’adressa d’abord à moi, puis à la visite :

« Ça va vous donner des couleurs ; par exemple, vous mettrez pas de temps à avoir trop chaud…

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