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nous empêchait-elle de tendre une main sympathique et secourable au brave qui, sous l’étreinte de la mort, proclamait de si hauts sentiments !

Cet usage de se plaindre ou de nous menacer semblait familier aux défenseurs de Zaatcha. On a vu que parmi eux se trouvaient des hommes qui avaient fait à Alger le métier de portefaix, et souvent, c’est en baragouinant notre langue, qu’ils s’efforçaient de nous adresser des injures ou de nous railler. Comme pour eux tout ce qui n’est pas Arabe ou Français est Juif, ils gratifiaient la Légion étrangère du titre de bataillon di Jouifs. Parfois, appelant nos soldats : couchons, Jouifs, criaient-ils, oun caporal et quatre hommes en factionne ; va te coucher ! Cette dernière injonction était accompagnée d’un coup de feu qui dénotait le genre de couche qu’ils nous souhaitaient.

Relevé le 29 au soir, j’allai, dès que je fus de retour au camp, prendre congé du général et de son chef d’état-major, M. le colonel Borel. En présence des attaques dont j’ai été l’objet, il est bon de rappeler que dans cette entrevue, il fut constaté qu’il y avait, pour lors, beaucoup plus de risques à courir en quittant le camp qu’en y restant. Le chemin de Batna était journellement inquiété et parfois intercepté par de nombreux coureurs ennemis, qui venaient d’y commettre maints assassinats, et le général s’était vu dans la nécessité d’envoyer à Biscara M. le colonel de Mirbeck, avec de la cavalerie, pour maintenir les communications. Du camp à Biscara, j’avais un convoi de blessés et de malades à conduire, avec une escorte suffisante, mais de cette place à Batna, on ne pouvait me donner que quelques cavaliers. Le colonel Borel doutait que je