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était chargé de sonner les heures par autant de vibrations détachées qu’il en fallait pour en marquer le nombre ; et comme il lui était prescrit de monter sur une petite élévation de terrain, les Arabes l’avaient aperçu, et un coup de fusil ou de tromblon lui répondait régulièrement. A cela ne se bornaient pas leurs taquineries. Ils rôdaient autour de la tranchée, en poussant des cris lugubres, et en appelant par son nom le colonel Carbuccia qu’ils connaissaient particulièrement, comme ses anciens administrés. Parfois ils engageaient la conversation avec nous, au moyen de l’interprète du colonel, et il y avait peu de temps que celui-ci avait failli être victime d’une de leurs ruses. Un Arabe, dont la voix tout à fait reconnaissable se faisait entendre chaque nuit, demanda à lui parler. Le colonel s’approcha du mur de la tranchée et ordonna à l’interprète de dire qu’il était présent et qu’il écoutait. Un long intervalle s’écoula sans réponse, et le colonel, fatigué d’attendre, s’éloignait, lorsque, de la cime des palmiers, plusieurs coups de feu furent dirigés sur la place qu’il venait de quitter. Les factionnaires préposés à la surveillance de nos créneaux ripostèrent, mais la surprise et l’obscurité nuisirent à la justesse de leurs coups, bien qu’il eût fallu un certain temps aux Arabes pour se glisser à terre le long des palmiers.

Les nuits sont magnifiques au mois d’octobre, sous cette latitude, et malgré l’odeur exécrable des cadavres, je m’étais endormi, quand mon sommeil fut brusquement interrompu par une forte fusillade qui éclatait à notre gauche. Nous courûmes à la sape de ce côté ; elle était attaquée, et l’ennemi, qu’on ne pouvait apercevoir, paraissait si rapproché, que dans l’idée qu’il voulût tenter d’escalader la tranchée, nous nous