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tué, se releva, la balle qui s’était aplatie sur l’os frontal, dont la dureté est extrême, n’ayant fait que l’étourdir ; Gérard l’acheva, mais non sans peine.

Le général parti, l’heure de la soupe approchait, et je m’attendais à une de ces réfections frugales comme on peut en faire à la tranchée. MM. les officiers de la Légion en avaient décidé autrement, et ils avaient eu la charmante idée de me donner là, sous le feu de l’ennemi, un dîner de bienvenue, qui, certes, a été le plus original que j’aie fait de ma vie. Devant la gourbie du colonel (hutte en feuilles de palmier), on étendit une nappe sur un tapis, on y dressa le couvert, et nous nous assîmes à l’entour, les jambes croisées. Le repas fut bon, copieux et surtout gai ; le colonel en fit les honneurs avec cet entrain de bon goût qui est le propre des hommes d’esprit. La musique du régiment, placée non loin de nous, joua des airs patriotiques, et même le caustique drin, drin de Lafon, qui acquérait du prix à cinq cents lieues de Paris. Au dessert, le colonel porta la santé du président de la République, qui fut accueillie avec une cordialité toute militaire. Alors la musique joua la Marseillaise, tandis que les Arabes, inquiets de ce bruit, redoublaient le feu de leurs fusils, et de leurs tromblons dont l’explosion plus retentissante était accompagnée d’une grêle de petites balles qui venaient frapper les palmiers à l’entour. On but une dernière rasade, dont les musiciens et les factionnaires qui se trouvaient près de nous, eurent leur part, et, à un signal de notre chef, chacun retourna à son poste.

Après avoir fait la ronde de la tranchée, des postes et des sapes, j’allai me reposer auprès du colonel, qui avait bien voulu m’admettre dans sa gourbie. Par son ordre, un clairon