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le saluaient d’une salve de bienvenue. Tout rentra dans le silence, sauf quelques coups de fusil qu’on entendait dans la direction de la tranchée, à de rares intervalles, et je me rendormis jusqu’à la diane, cette voix de l’aurore, comme dit Victor Hugo, si agréable au soldat.

Certes, il y avait un charme indéfinissable pour moi à me réveiller ainsi, sous une tente française, en face de l’ennemi, au bruit de la musique guerrière de nos fameux régiments. Que d’idées et de sentiments, que de souvenirs et de traditions se pressaient dans mon esprit et dans mon cœur ! Mais, hélas ! ils étaient bientôt, sinon refoulés, du moins amoindris, paralysés par une amère réflexion que mon estime pour mes bons camarades de la Légion ne parvenait pas à détourner. Je me disais que, représentant du Peuple, et un des plus proches parents du plus grand de nos capitaines ; au point de vue militaire, c’est-à-dire à celui qui m’importait le plus, j’étais encore une espèce de paria, puisque cette fatale qualification : au titre étranger, me ravalait encore au rang des proscrits, moi proscrit de la veille, moi une des victimes de l’invasion étrangère, et des persécutions dont l’étranger, oppresseur de la France, avait poursuivi ma famille, même dans l’exil ! Et songer que c’était à l’avènement d’un Bonaparte que je devais la continuité de cette situation anormale, et penser que le 10 décembre, le 10 décembre ! m’avait fermé la porte qu’un autre que Louis-Napoléon m’eût ouverte, ou du moins qu’il ne m’eût pas barrée, n’était-ce pas désespérant ? Je sentais alors qu’après tout j’avais eu tort de permettre qu’un membre de ma famille fût nommé au titre étranger ; mais bientôt le soleil du Désert resplendissait sur les armes, mon