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Ardennes belges, où j’avais fait un long et tranquille séjour avant la révolution. Ce qui me navrait surtout, c’était de voir des gens qui avaient eu leur place au soleil de la monarchie, tandis que nous traînions dans l’exil une vie agitée ou misérable ; ce qui me navrait, dis-je, c’était de voir ces courtisans obtenir les plus hautes faveurs, les emplois les plus lucratifs, tandis qu’on me refusait, à moi, de servir modestement le pays suivant mon aptitude, chose que j’ai toujours crue franchement aussi naturelle que juste et méritée.

Mon séjour dans mon ancienne retraite ne fut pas long : de nouvelles et plus vives instances vinrent m’y relancer, et j’eus le tort de céder et de revenir presque aussitôt à Paris. Elles y furent encore renouvelées, et un jour même, à Saint-Cloud, on me témoigna tant de mécontentement de mon hésitation que je dus croire vraiment qu’on n’attendait que cet acte de présence à mon corps pour réaliser le mirage de la miraculeuse épaulette que je poursuivais depuis si longtemps. J’avais protesté à satiété que je ne monterais pas une garde tant que je ne compterais dans l’armée qu’au titre étranger ; j’aurais dû, pour tous ces motifs, maintenir ma résolution ; mais ce qui enfin l’ébranla, ce fut la perspective de la campagne qui se préparait dans le sud de la province de Constantine. Il fut décidé que je serais envoyé en mission temporaire auprès du gouverneur général de l’Algérie, et que d’Alger j’irais rejoindre la colonne expéditionnaire aux ordres du général Herbillon. Toujours mécontent de ma position exceptionnelle, j’avais, quoi qu’on ait pu en dire, bien et dûment stipulé avec tout le monde, président, ministres, intermédiaires officiels ou officieux, que j’allais en Afrique pour n’y rester que le