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et je dois l’avouer franchement ici : si la Montagne avait parfois les entraînements de mon cœur, les élans de ma raison me rapprochaient du tiers-parti. Mais qu’est-il, où est-il, que peut-il ? sinon attendre, pour sauvegarder le principe démocratique, en apportant, suivant les circonstances, son faible contingent contre la réaction ou les excès. Du reste, les mêmes antipathies que j’ai signalées, moins violentes, mais non moins intenses, existaient, qui peut en douter ? dans son sein.

Ces considérations, que je ne dois qu’effleurer (et c’est peut-être trop de hardiesse), m’inspiraient tous les jours davantage le regret de n’avoir pu lever l’obstacle qui m’avait fait préférer mon mandat au service actif. En vérité, la direction donnée à nos armes en Italie me prouvait que le nouveau gouvernement pouvait ordonner des opérations militaires auxquelles, à aucun prix, je n’eusse voulu prendre part. Mais on parlait aussi d’expéditions prochaines en Afrique, cette terre où se sont formés tant de bons officiers. Le président, mes autres parents, des amis plus ou moins clairvoyants m’engageaient fortement à faire à mon corps un acte de présence qui facilitât, disaient-ils, la régularisation de ma position. On peut penser de moi ce que l’on voudra ; mais tous ceux qui connaissent un peu mes inclinations, mes habitudes et mes antécédents, croiront sans peine qu’il n’aurait pas fallu me prier longtemps pour me décider à faire une campagne, sans mon inconvenante condition d’officier au titre étranger. Blessé que le gouvernement d’un homme, à qui notre nom avait valu la première magistrature de la République, me marchandât tant mon épaulette, je déclinai toute proposition, et la prorogation de la Législative étant arrivée, je retournai dans les montagnes des