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férer à la patrie, le cabinet de Corse vous avait chargé de ses intérêts. N’imaginant pas, de votre côté, qu’un homme pût ne pas préférer l’argent et soi à la patrie, vous vous vendîtes, et espérâtes les acheter tous. Moraliste profond, vous saviez ce que le fanatisme d’un chacun valait ; quelques livres d’or de plus ou de moins nuançant à vos yeux la disparité des caractères.

Vous vous trompâtes cependant : le faible fut bien ébranlé, mais fut épouvanté par l’horrible idée de déchirer le sein de la patrie. Il s’imagina voir le père, le frère, l’ami, qui périt en la défendant, lever la tête de la tombe sépulcrale, pour l’accabler de malédictions. Ces ridicules préjugés furent assez puissans pour vous arrêter dans votre course : vous gémîtes d’avoir à faire à un peuple enfant. Mais, monsieur, ce raffinement de sentiment n’est pas donné à la multitude : aussi vit-elle dans la pauvreté