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dans son iconographie, on voit qu’il porte beaucoup plus le caractère signalétique de l’écrivain que celui de l’homme de guerre. Consultez les portraits de Greuze, de David, les miniatures d’Isabey, les dessins de Vivant Denon, et surtout les trois admirables types monétaires du graveur Tiollier ; et vous serez frappé de cette anomalie, singulière à coup sûr chez un pareil soldat. Personne n’a su comme lui son métier de général en chef, — ses quinze campagnes l’attestent trop[1]; — et cependant la famille dont il sortait n’est point de race militaire. Son propre cas est isolé, à part celui de Napoléon des Ursins. Trois de ses frères, Joseph, Louis et Jérôme, ont appartenu à l’armée ; ils ont donné des preuves de bravoure personnelle, mais non de talent militaire supérieur. En revanche, tous à peu près ont écrivaillé. Son autre frère, Lucien, seul, a su écrire, sans éclat il est vrai. Toutefois, il réalisait le type tempéré de l’académicien jouant au Mécène, et eût pu rendre à Napoléon de bons services, si on avait fait de lui une manière de sous-secrétaire d’État des beaux-arts. De ses trois sœurs, Élisa et Caroline ont possédé presque toutes les qualités qu’exige la politique ; la dernière, Pauline, un peu effacée (mais combien belle !), savait élégamment tourner une lettre. Son style rappelle un peu madame de Courcelles. N’oublions pas le père, Charles Bonaparte, poète italien et épistolier français. Stendhal le tenait en haute estime. L’aptitude la plus marquée de l’illustre famille corse est donc une aptitude littéraire. Mais, pour en revenir à l’auteur du Souper de Beaucaire, je me propose maintenant de passer en revue ses moyens d’exécution, ses procédés de style et ses diverses œuvres. Quand il s’agit d’un homme comme Napoléon, il n’y a pas de quantité négligeable.

  1. 1793, armée du Midi (Avignon, Toulon, Marseille) ; — 1796-1797, Italie ; — 1798, Égypte ; — 1799, Syrie ; — 1800, seconde d’Italie ; — 1805, Autriche ; — 1806, Prusse ; — 1807, Pologne ; — 1808, Espagne ; — 1809, seconde d’Autriche ; — 1812, Russie (que Napoléon appelait la seconde de Pologne) ; — 1813, Allemagne, ou Saxe ; seconde d’Allemagne ; — 1814, France ; — 1815, Belgique. Les hommes du métier désignent quelquefois la première d’Autriche (1805) sous le nom de campagne de Moravie.