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hommes, je la tiens bloquée sur l’Iller, entre Ulm et Memmingen. L’ennemi est perdu, a perdu la tête, et tout m’annonce la plus heureuse campagne, la plus courte et la plus brillante qui ait été faite[1]. Je pars dans une heure pour Burgon-sur-l’Iller. Je me porte bien ; le temps est cependant affreux. Je change d’habit deux fois par jour, tant il pleut. Je t’aime et t’embrasse.


XL

Elchingen, le 18 octobre 1805.

J’ai été, ma bonne Joséphine, plus fatigué qu’il ne le fallait ; une semaine entière et toutes les journées l’eau sur le corps et les pieds froids, m’ont fait un peu de mal ; mais, la journée d’aujourd’hui, où

  1. Quand on étudie la vie et les œuvres de ce prodigieux mortel qui se nomme Napoléon, on est surpris et confondu par la place énorme qu’y tiennent l’instinct, le fatalisme, la confiance en la Fortune. Dès le début de la campagne de Moravie, il devine du premier coup l’état moral de l’armée autrichienne. Les combinaisons incohérentes des généraux de l’empereur François lui répondent de l’avenir. En effet, le 14 octobre, Ney force le pont d’Elchingen, le 17 Ulm capitule, et le 13 novembre, — un mois après la lettre de Napoléon à Joséphine, — Murat entre à Vienne. L’empereur a été prophète. En ce temps-là, il fallait entendre madame de Rémusat. « … Quelle belle victoire ! (écrit-elle le 14 octobre à son mari). « Qu’on est fier d’être Français ! Je n’en ai pas dormi de joie… »