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bien compris Napoléon. Or, ces passages s’appliquent exclusivement à la prodigieuse activité et à la maîtresse intelligence du vainqueur d’Iéna. On voit, sans qu’il soit besoin d’insister, grâce au dépouillement de son volumineux dossier critique, que Napoléon Bonaparte a agi et pensé de la façon la plus large, la plus magistrale, en tant que dons de nature. Je n’ai pas à rechercher ici si l’emploi qu’il fit de ses admirables facultés fut ou non abusif ; je ne fais point de politique, je le répète. Mais je veux simplement dégager la physionomie du remarquable homme de lettres, de l’écrivain si richement doué, qui demeura toujours en lui. C’est donc en vue d’appréciations purement artistiques que j’ai été amené à dire quelques mots de la caractéristique de son tempérament. Toutefois, dans le domaine de l’intellect pur, il convient de rappeler quelle place Napoléon accorda toujours à l’énorme, — au gigantesque, dit Sainte-Beuve. Il avait, pour les choses hors de toutes proportions usuelles, une tendresse très marquée. Puisque je me propose de montrer au lecteur un Napoléon complet, en tant qu’écrivain bien entendu, je demande encore à placer ici quelques observations rapides sur ce côté fatal du caractère de mon personnage.

Lorsque Bonaparte eut été mis hors de pair, comme général en chef, par son admirable campagne d’Italie de 1796 et 1797, et que les négociations de Campo-Formio l’eurent révélé diplomate de taille à mater la cour de Vienne, il s’opéra en lui comme un déchaînement subit d’idées politiques et militaires. Le succès, bien loin de le griser, détermina chez ce jeune homme de vingt-huit ans, nourri de la lecture de Quinte-Curce et de Plutarque, un redoublement d’ardeur, un bouillonnement intellectuel, qui le menèrent droit à la préparation de la campagne d’Égypte.Ce fut la première apparition bien caractérisée de ce goût de l’énorme et du colossal auquel il demeura fidèle jusqu’à Waterloo. Et pourtant, à la fin de 1797, il avait conquis de quoi durer éternellement dans la mémoire des hommes ! Mais