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avait mal copié son original. Il avait tout mis entre les mains du peuple ou de ses représentants, de sorte que l’on ne pouvait exister qu’en lui plaisant. Étrange erreur ! qui soumet à un brutal, à un mercenaire, l’homme qui, par son éducation, l’illustration de sa naissance, sa fortune, est seul fait pour gouverner. À la longue, un bouleversement de raison si palpable ne peut manquer d’entraîner la ruine et la dissolution du corps politique, après l’avoir tourmenté par tous les genres de maux. Vous réussîtes à souhait. M. Paoli, sans cesse entouré d’enthousiastes ou de têtes exaltées, ne s’imagina pas que l’on pût avoir une autre passion que le fanatisme de la liberté et de l’indépendance. Vous trouvant de certaines connaissances de la France, il ne daigna pas observer, de plus près que vos paroles, les principes de votre morale.

Il vous fit nommer pour traiter à Versailles de l’accommodement qui s’entamait sous la médiation de ce cabinet. M. de Choiseul vous vit et vous connut : les âmes d’une certaine trempe sont d’abord appréciées. Bientôt, au lieu du représentant d’un peuple libre, vous vous transformâtes en commis d’un satrape : vous lui communiquâtes les instructions, les projets, les secrets du cabinet de Corté.

Cette conduite, qu’ici l’on trouve basse et atroce, me paraît à moi toute simple ; mais c’est qu’en toutes espèces d’affaires, il s’agit de s’entendre et de raisonner avec sang-froid.