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qu’ils n’avaient rien à perdre. Il ne fallait qu’un signal.

En 1729, le lieutenant génois qui commandait à Corte imposa, de sa propre fantaisie, une nouvelle taxe qui, jointe à toutes les autres et à la misère du pays, devenait insupportable. Cardone di Bozio, vieillard estropié, ayant reçu de la nature un corps difforme, mais une âme vigoureuse et une élocution très facile, assembla les habitants du village de Bozio pour leur parler dans les termes les plus forts sur l’avilissement où ils vivaient, sur la gloire de leurs ancêtres et les charmes de la liberté. Il profita du moment où les collecteurs venaient percevoir l’imposition pour les faire chasser et poursuivre. Il excite ses compatriotes à marcher vers Corte. Ceux-ci rencontrent un détachement de soldats envoyés pour les punir ; ils le battent, le désarment, arrivent à Corte et brûlent la maison du commandant, qui a le bonheur de se sauver. À cette nouvelle, on se rallie de tous côtés, on prend les armes, on court à Bastia pour punir le gouverneur général Pinelli, objet de l’exécration publique ; on prend une partie de la ville, on surprend Algagiolo, et voilà le joug rompu sans retour… « Aux yeux de Dieu, disait souvent Cardone, le premier crime est de tyranniser les hommes ; le second, c’est de le souffrir. » Jamais révolution ne s’opéra plus subitement. Les ennemis oublièrent leur haine, firent partout la paix, objet de tous