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justice. Gouverner avec justice n’était pas ce que voulait la politique du sénat, qui, voyant les Corses sur le point de s’attacher sérieusement, d’oublier leur ressentiment et de céder à leur fatalité une portion de leur indépendance, voyait se renverser tous ses projets. La circonstance d’ailleurs était favorable ; il obligea les protecteurs de Saint Georges à lui céder la possession de l’île. Outré de ce changement qui s’était fait sans son consentement, le peuple soupire après l’arrivée de son libérateur Sampiero. Cet homme ardent avait juré dans son cœur la ruine des tyrans et la délivrance de son pays. Voyant la France trahir ses promesses, il dédaigne les emplois que ses services militaires lui ont mérité, et parcourt les différents cabinets pour susciter des ennemis aux oppresseurs et des amis aux siens… Mais les rois de l’Europe ne connaissaient de justice que leur intérêt, d’amis que les instruments de la politique. Il s’embarque pour l’Afrique ; il est accueilli par le bey de Tunis, qui lui promet du secours ; il gagne la confiance de Soliman, qui lui promet assistance. Soliman avait l’âme noble et généreuse ; il devint le protecteur de Sampiero et de ses infortunés compatriotes. Tout se dispose en leur faveur ; bientôt le Croissant humiliera jusque dans nos mers la croix ligurienne ! — Gênes cependant suit d’un œil inquiet les courses de son implacable ennemi, et ne pouvant l’apaiser, elle cherche à lui lier les mains par l’amour de ses enfants et par l’amour de sa