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çaient dans l’avenir ! Quel plaisir nous goûtions ! Nous sentions toutes les délices d’une amitié réciproque.

» — Fieschi, répondit Rinuccio, vous me rappelez des temps qui seront toujours chers à mon cœur, et qui ne s’effaceront jamais de ma mémoire ; mais devant voir en vous un ennemi, qui, sans droit, ravage cette patrie infortunée, je ne voulais point y reconnaître les traits qui, pendant dix ans, furent ceux de mon ami ; votre confiance, votre âme noble est au dessus de la mienne… Pardonnez, Fieschi, vous avez passé votre vie dans les délices de Gênes, et moi, depuis le moment où je vous quittai, je fus toujours dans les factions, dans les guerres, dans les inimitiés, qui nécessairement rendent l’homme farouche et ferment son cœur aux doux épanchements. J’ai vu le fils trahir le père ; j’ai vu l’hospitalité, la sainte suspension des traités ne servir qu’à cacher les trames les plus horribles ; votre nation nous en a donné tant d’exemples, que je vous fis un moment l’injustice de me souvenir moins de votre caractère que de votre patrie ; mais il m’est bien doux de vous retrouver, et vous me voyez glorieux de la victoire que vous remportez sur moi. Puisque l’Offizio vous envoie commander ses armées, il a donc changé de système, il s’en trouvera mieux ; les trahisons ne font qu’aigrir les âmes, et si elles