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ta mémoire ! Salnese, je te maudis avec ta postérité ! »

En achevant ces paroles, cet illustre vieillard se prosterna à genoux, se couvrit la tête de sable, médita un moment, et puis d’un pas ferme, il monta sur un navire qui l’attendait. Salnese était ému, mais de colère ; les dernières paroles de son père avaient vivement excité cette âme de fiel. Quant à Lupo, la révolution fut étonnante, le bandeau parut tomber ; l’effervescence de la passion qui lui avait voilé l’énormité de son crime s’apaisa ; il eut horreur de lui-même, il chercha à réparer ses fautes, mais ses efforts furent vains. Alors se roulant sur le sable, se jetant à la mer, il appelait tour à tour la mort et Sinuccello ; heureux celui-ci, dans sa catastrophe, s’il eût pu être témoin du repentir de celui qu’il avait adopté pour fils. Son âme en eût été rafraîchie, et peut-être l’émotion du sentiment lui eût fait goûter un plaisir avant de mourir.

Arrivé à Gênes, ce grand homme périt au bout de quelques jours, dans un âge très avancé ; il laissa quatre enfants, tous indignes de lui, tous marchant sur les traces de leur frère aîné. Lupo parut se consoler ; le temps et le cœur de l’intéressante Véronica adoucirent le venin des remords. Lupo acquit une grande puissance, mais sa femme mourut, et les remords revinrent se saisir de leur proie. Il mourut enfin misérablement. Or-