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reste de la nation, et obligea les ennemis communs à repasser les mers, après avoir remporté sur eux de grands avantages. Ce fut dans une de ces rencontres qu’ayant fait un grand nombre de prisonniers, leurs femmes vinrent de Bonifacio apporter leur rançon. Sinuccello les reçut avec humanité et les confia à la garde de son neveu. Ce jeune homme, égaré par l’amour, trahit les devoirs de l’hospitalité et de la probité publique, malgré la vive résistance d’une de ces infortunées. Navrée de l’affront qu’elle venait d’essuyer, les cheveux épars, ses beaux yeux égarés et flétris par la honte, elle se prosterne aux pieds de Sinuccello, et lui dit : « Si tu es un tyran sans pitié pour les faibles, achève de faire périr une malheureuse avilie ; si tu es un magistrat, si tu es chargé par les peuples de l’exécution des lois, fais-les respecter par les puissants. Je suis étrangère et ton ennemie ; mais je suis venue sur ta foi, et je suis outragée par ton sang et par le dépositaire de ta confiance… » Sinuccello fait appeler le criminel, constate son délit, et le fait mourir sur-le-champ. C’est par de pareils moyens qu’il soutint toujours la rigueur des lois. Ses armes prospérèrent et la nation unie vécut longtemps tranquille. Dès cette époque jusqu’au temps de Sambucuccio, les Génois ne parurent plus en Corse ; ils furent découragés par les pertes qu’ils avaient faites ; ils se contentèrent de fomenter, dans l’obscurité, la guerre