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réflexions sont écrites sur toutes les pages de l’histoire de Corse, car l’histoire de Corse n’est qu’une lutte perpétuelle entre un petit peuple qui veut vivre libre et ses voisins qui veulent l’opprimer ; l’un se défend avec cette énergie qu’inspirent la justice et l’amour de l’indépendance, les autres attaquent avec cette perfection de tactique qui est le fruit des sciences et de l’expérience des siècles ; le premier a des montagnes pour dernier refuge, les seconds ont leurs navires. Maîtres de la mer, ils interceptent les communications et se retirent, reviennent ou varient leurs attaques à leur gré. Ainsi, la mer, qui, pour tous les autres peuples, fut la première source des richesses et de la puissance, la mer qui éleva Tyr, Carthage, Athènes, qui maintient encore l’Angleterre, la Hollande, la France, au plus haut degré de splendeur et de puissance, fut la source de l’infortune et de la misère de ma patrie ; heureuse si la sublime faculté de perfection eût été plus bornée dans l’homme ! Il n’aurait pas alors, dans la soif de son inquiétude et par le moyen de l’observation, soumis à ses caprices le feu, l’eau et l’air ; il aurait respecté les barrières de la nature. Des bras de mer immenses l’auraient étonné sans lui donner l’idée de les franchir. Nous eussions donc toujours ignoré qu’il existait un continent… Oh ! l’heureuse, l’heureuse ignorance !!!

Quel tableau offre l’histoire moderne ! Des peuples qui s’entre-tuent pour des querelles de famille,