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la douleur t’accabler au départ… Une femme et des enfants… Une femme et des enfants, un père et une mère, des frères et des sœurs, un ami ! Et l’on se plaint de la nature, et l’on se demande : pourquoi sommes-nous nés ? Et l’on souffre avec impatience les maux passagers, et l’on court avec fureur après les vides de la vanité, des richesses. Quelle est donc, ô infortunés humains, la boisson dépravatrice qui a ainsi altéré les penchants écrits dans votre sang, sur vos nerfs, dans vos yeux ?… Eussiez-vous l’âme aussi ardente que le foyer de l’Etna, si vous avez un père, une mère, une femme, des enfants, vous ne pouvez redouter les anxiétés de l’ennui.

Oui, voilà les seuls, les vrais plaisirs de la vie, et dont rien ne peut ni nous distraire ni nous indemniser. L’homme a beau s’environner de tous les biens de la fortune, dès que ces sentiments s’enfuient de son cœur, l’ennui s’en empare ; la tristesse, la noire mélancolie, le désespoir se succèdent, et si cet état dure encore, il se donne la mort.

Pontavéri est arraché à Taïti ; conduit en Europe, il est accablé de soins ; l’on n’oublie rien pour le distraire. Un seul objet le frappe, lui arrache les larmes de la douleur : c’est le mûrier à papier. Il l’embrasse avec transport en s’écriant : Arbre de mon pays ! Arbre de mon pays !… L’on prodigue